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les actualités camélines dans le monde
Comment évaluer le bien-être des chameaux ?
Le problème du « bien-être » des grands camélidés
est de plus en plus d’actualité et pas seulement dans les pays
occidentaux (voir la rubrique « les petits curieux : les
chameaux peuvent-ils s’adapter en France ? »). Mais la question
des chercheurs qui veulent éviter le piège grossier de
l’anthropomorphisme, est de savoir quels sont les indicateurs de
bien-être à prendre en compte, notamment dans des systèmes
d’élevage dont la tendance est l’intensification. C’est ainsi
qu’une équipe italienne s’est penchée sur la question. Pour
cela, elle s’est appuyée sur une batterie d’indicateurs à
l’échelle de l’animal, celle de ses ressources disponibles et
celle de la gestion du troupeau dans son ensemble. Ces
indicateurs ont été évalués par des questions destinés à
l’éleveur, mais aussi par des observations de l’animal et du
troupeau. A partir de 23 questions portant sur les antécédents
de celui qui s’occupe des animaux, son expérience et ses
pratiques de gestion courante, notamment pour l’alimentation,
l’abreuvement et les soins des chameaux, une classification des
personnes s’occupant des animaux pourrait être établie. Au
niveau du troupeau, il s’agit de vérifier les conditions de
confort dans le bâtiment d’élevage (dimensions et qualité de
l’enclos, présence de place ombragée…) et au niveau de l’animal,
de contrôler visuellement son comportement (a-t ’il des
stéréotypies ? Montre-t’il des signes de stress ?), ses
conditions d’élevage (est-il attaché ou entravé ?), et plus
globalement son état (présence de parasites ou de lésions, état
d’embonpoint…). Les indicateurs sélectionnés sont ensuite
classés en fonction de leur niveau attendu de bien-être,
correspondant à une « bonne alimentation », « à un bon logement
», « à une bonne santé » ou à un « comportement approprié ». Par
exemple, pour le principe qualifiant une « bonne alimentation »,
on l’évalue chez l’éleveur (gestion de l’alimentation), dans le
troupeau (qualité, disponibilité des aliments, nombre de points
de distribution…) et chez l’animal (note d’état corporel). Ce
protocole a pour but de proposer un outil d’évaluation des
conditions de bien-être des camélidés de façon homogène entre
différents évaluateurs en s’abstrayant de fait des visions
subjectives que chacun peut avoir. Reste à mettre en application
et tester ce protocole dans un nombre suffisant d’élevages…
L’article est libre d’accès et disponible en
ligne : Padalino B. et Marchetti L., 2021. The first protocol
for assessing welfare of camels. Frontiers in Veterinary
Science., 7, art 631876
https://doi.org/10.3389/fvets.2020.631876
L’état d’embonpoint, le comportement,
l’absence de lésions visibles…, sont autant
d’indicateurs
du bien-être des grands camélidés
Photo © B. Faye
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Les chameaux de Bactriane et les dromadaires sont-ils adaptés
à vivre en France (et plus globalement en Europe) ?
Une partie du grand public s’interroge sur
l’intérêt et les conditions de l’élevage des grands camélidés en
France et plus largement en Europe. La question est légitime,
mais reflète aussi l’ignorance du grand public à propos de la
physiologie de cette espèce et des conditions de vie dans leurs
lieux d’origine. Pour répondre à cette interrogation, un
document a été rédigé à la demande de la Fédération Française
des Camélidés (FFC), disponible également sur son site
Voici donc onze questions et leur réponses sur ce sujet
d’actualité :
- Les chameaux ne sont pas adaptés à nos climats en France
: Vrai ou faux ?
VRAI ET FAUX à la fois
Il est vrai que les chameaux vivent à
l’origine dans les déserts. Ce qui caractérise leur milieu
naturel ce sont : (i) une forte amplitude thermique dans la
journée (journée chaude, nuit froide parfois glaciale) ou
saisonnière, surtout pour le Bactriane (+45°C l’été, jusqu’à
-30 voire -40°C l’hiver), (ii) la rareté des ressources
alimentaires, ce qui les oblige à parcourir de longues
distances pour se nourrir (jusqu’à 40 km par jour) et à
dépenser beaucoup d’énergie pour leurs déplacements, (iii)
la rareté de l’eau, ce qui les oblige à se passer de boire
pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines selon la
qualité des fourrages, (iv) un sol plus ou moins agressif
pour les pieds, soit du sable (ergs) qui ne tempère pas les
amplitudes thermiques (brûlant le jour, glacial la nuit),
soit des cailloux (regs) traumatisant pour un animal
dépourvu de sabot, (v) un environnement sanitaire éprouvant
marqué par deux grandes maladies parasitaires qui touchent
plus de 30% des animaux en moyenne (et jusqu’à 100% !), la
trypanosomose, parasite du sang proche de la maladie du
sommeil chez l’homme, et la gale, parasite de la peau. A
cela s’ajoute la diarrhée des chamelons qui conduit à un
taux de mortalité pouvant atteindre 20% des jeunes nés dans
l’année. Alors oui, les chameaux sont adaptés pour survivre
dans de telles conditions, là où la plupart des autres
espèces ne survivraient pas. Pour autant, les conditions en
France et en Europe étant globalement beaucoup plus
favorables, les chameaux s’en accommodent parfaitement. Leur
longévité y est d’ailleurs plus élevée, et la pression
sanitaire bien moindre. De plus en l’absence d’abattoir
spécialisé, les chameaux de France vivent leur vie en
totalité.
- Les chameaux craignent le froid : Vrai ou faux ?
FAUX
Les chameaux se caractérisent par une plage
de confort thermique très étendue. On entend par « plage de
confort thermique », l’étendue des températures pour
laquelle l’animal ne lutte ni contre le froid, ni contre le
chaud. Chez l’homme, elle se situe entre 18 et 25°C. Chez
les dromadaires, elle est beaucoup plus large, entre 5 et
35°C selon le type d’animaux. Chez le Bactriane, elle est
encore plus large du fait de leur pelage. Cette capacité est
liée à la possibilité physiologique naturelle des chameaux à
moduler leur température interne selon la température
externe : leur température interne peut descendre à 34°C en
cas de froid intense et monter à 40°C lors de canicule. En
Asie Centrale, dromadaires et Bactrianes s’accommodent très
bien de la neige et des grands froids. Ils développent un
pelage au début de l’hiver qui tombe de lui-même au
printemps. Des travaux sur le cortisol (hormone du stress)
ont d’ailleurs montré que le taux de cortisol augmentait
beaucoup plus dans le sang des chameaux en cas de canicule
qu’en cas de grands froids. Lors de grands froids, les
chameaux dégagent de la chaleur en utilisant la graisse de
leur bosse dont la métabolisation produit ce qu’on appelle
de l’extra-chaleur. C’est pour cela qu’en prévision de
l’hiver, il faut que l’animal fasse son « stock de gras » et
remplisse sa bosse. Il est donc important d’apporter une
bonne alimentation, riche en énergie, pendant l’automne.
- Les chameaux craignent l’humidité : Vrai ou faux ?
VRAI
L’humidité leur est inconfortable. Les
chameaux n’aiment pas la pluie. Ce pourquoi, les éleveurs en
Europe doivent prévoir un abri en cas de temps humide.
Cependant, ils ne craignent pas l’eau : il faut savoir que
les chameaux nagent très bien (aux Iles Canaries, ils
traversent même des bras de mer), et qu’il existe en de
nombreux endroits des chameaux en bord de mer. Au
Kazakhstan, ils prennent volontiers des bains de boue !
- Le pelage des chameaux est souvent miteux, signe de
maltraitance : Vrai ou faux ?
FAUX
Après les périodes de froid, les chameaux «
muent » et prennent leur pelage d’été. La laine de
couverture se délitent d’elle-même au printemps donnant un
aspect « miteux » à l’animal mais qui est complètement
naturel. Il suffit de peigner l’animal comme le font les
collecteurs de laine pour que l’apparence devienne celle à
laquelle on est habitué.
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L’aspect « miteux » du chameau au
printemps
est lié à une mue naturelle de son pelage
Photos B. Faye
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- La nourriture en France ne peut pas leur convenir : Vrai
ou faux ?
FAUX
Au contraire, les fourrages en France ou en
Europe sont en moyenne plus riches et plus appétibles que la
végétation du désert, ce qui facilite justement le stockage
de l’énergie dans la bosse. Ce qui est important, c’est
d’apporter des éléments grossiers dans la ration alimentaire
pour éviter un surplus de gras (les chameaux aussi peuvent
être « obèse » !). Le chameau se contente donc d’un bon foin
et de paille. Ils ne sont pas exigeants et se contentent
très bien des terrains en friche envahis de ronces et
d’arbustes que les autres animaux délaissent.
- Les chameaux élevés en dehors de leurs pays d’origine
risquent d’attraper plein de maladies : Vrai ou faux ?
FAUX
La plupart des maladies auxquelles les
chameaux sont sensibles dans les déserts n’existent pas en
France ou sont bien contrôlés. Par exemple, la
trypanosomose, très fréquente dans les pays d’origine, n’est
pas présente en France et quand bien même, elle a pu être
introduite par des animaux importés, le risque de
dissémination est faible car les insectes piqueurs
responsables de leur transmission ne sont pas présents.
Surtout, contrairement aux pays d’origine, on dispose en
France et en Europe d’un réseau de vétérinaires et d’un
accès facile aux bons médicaments vétérinaires qui
permettent une bonne protection sanitaire. L’enjeu principal
est de bien informer les vétérinaires concernant les risques
de maladies dans un contexte où les pathologies infectieuses
et parasitaires sont facilement contrôlables, mais où les
maladies « métaboliques » (liées à une alimentation trop
riche par exemple) sont mal connues.
- Les chameaux ne sont pas faits pour courir : Vrai ou faux
?
FAUX
La course est une seconde nature, surtout
chez le dromadaire. Du reste, le terme « dromadaire » trouve
sa racine dans le grec ??????
(« dromos ») qui signifie courir, terme que l’on retrouve
dans hippodrome et camelodrome…. Il fait partie de ces
espèces ou races (comme les chevaux ou les chiens) qui
courent naturellement et sur de plus longues distances en
général que les chevaux. C’est d’ailleurs sans doute le
premier usage qu’en a fait l’homme au cours de la
domestication il y a 5000 ans environ.
- Les chameaux souffrent quand ils portent des charges :
Vrai ou faux ?
FAUX
Sauf si bien entendu, la charge qu’on leur
impose dépasse leurs capacités. Mais il faut savoir qu’un
chameau pesant de 400 à 700 kg selon les corpulences peut
porter aisément de 150 à 300 kg sur le dos. Le plus
important est la qualité du bât (pour le port des
marchandises) ou de la selle (pour porter les hommes) afin
d’éviter des blessures inutiles. Les éleveurs eu Europe
portent un soin particulier à utiliser des équipements
adaptés pour cela, non traumatisants pour les animaux. Il
faut savoir que dans beaucoup de pays d’élevage traditionnel
du désert, les plaies de harnachement sont très courantes
contrairement aux animaux élevés en France. Pour ce qui
concerne le poids, les chameaux disposent dans leurs pieds
de deux boules d’un tissu conjonctif d’une souplesse
remarquable, unique dans le monde animal. Ces boules
conjonctives assurent une expansion du pied pour épouser les
irrégularités d’un terrain. Elles jouent un rôle
d’amortisseurs également, si bien qu’un anatomiste pouvait
dire il y a quelques années que le chameau était plus
moderne que la vache parce que si celle-ci marchait encore
en sabot, celui-là avait des baskets à ses pieds. Ce
dispositif permet à notre animal de porter des lourdes
charges sans faire souffrir ses articulations.
- Obliger le chameau à s’accroupir sur des surfaces dures
comme le goudron est de la maltraitance : Vrai ou faux ?
FAUX
Le chameau dispose d’un coussinet sternal et
de callosités aux coudes et aux genoux, c’est-à-dire de
surfaces kératinisées (une sorte de corne) très dures et
très résistantes qui évitent l’abrasion des parties de la
peau au contact avec le sol. Le coussinet sternal permet en
plus de surélever l’abdomen en limitant le contact des
organes vitaux avec les sols trop froids ou trop chauds. La
position accroupie (dite « baraquée ») est une position
naturelle chez l’animal et les callosités sont présentes dès
la naissance.
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Les callosités sternales et aux
articulations du coude et
des genoux se situent aux points de contact avec le
sol
Photos B. Faye
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- Le chameau a souvent les membres postérieurs souillés
d’urine et des larmes aux yeux, signe de sa maltraitance :
Vrai ou faux ?
FAUX
Les jambes mouillées d’urine sont une
adaptation à la chaleur. En s’évaporant, l’eau contenue dans
les urines refroidit les veines fémorales qui apportent
ainsi au cœur un sang rafraichi contribuant à diminuer la
température interne. Cela permet d’évacuer en même temps
l’extra-chaleur produite par l’animal comme le ferait un
brumisateur. Les larmes sont également une fonction
d’adaptation à la sécheresse en humidifiant la surface du
globe oculaire. Par ailleurs, elles jouent aussi un rôle de
protection contre les infections. En effet, il a été montré
que les larmes du dromadaire contiennent une quantité
importante de lactoferrine, une protéine aux propriétés
antibactériennes puissantes, ainsi qu’une phosphatase A, aux
propriétés antivirales, inconnues chez les autres espèces,
ce qui explique que le chameau, contrairement aux bovins,
est rarement atteint de conjonctivite.
- Les chameaux ne sont pas habitués à la présence d’une
foule : Vrai ou faux ?
FAUX
Les chameaux sont des animaux qui aiment la
compagnie des hommes dès lors qu’ils ont l’habitude de les
croiser dès leur naissance. Les chameaux ont beaucoup plus
d’interactions avec les hommes que les autres espèces
élevées, à l’exception sans doute des chevaux. Les chameaux
bien « apprivoisés » sont des animaux affectueux qui
cherchent le contact avec l’homme. Plus le chameau a
d’interactions, moins il souffre de stress. Des travaux de
recherche ont notamment montré que la manipulation des
animaux (par exemple monter dans un camion ou entrer dans un
couloir de contention) engendre d’autant moins de stress
(mesurée en dosant la cortisol ou hormone du stress) que les
animaux sont habitués aux contacts avec les hommes.
Camelcoin, une cryptomonnaie pour contribuer au
développement des produits camelins dans le monde
Mais où le
chameau ne fait pas tout ce qu’il faut pour entrer dans le
monde numérique ? Que voilà une idée originale : une
cryptomonnaie basée au Sahara près des plus grands cheptels
d’élevage camelin dans le but de développer les activités
économiques des produits camelins dans le monde et leurs
retombées sur des zones rurales défavorisées. Le camelcoin est
censé garantir une finance sécurisée pour des projets de
développement ainsi qu’une traçabilité des fonds grâce à la
technologie blockchain ((blockchain CameLink).
Créée au Maroc et lancée en Février 2021, cette cryptomonnaie
a une visée à la fois financière (retour sur investissement
garanti) et de développement. On trouvera tous les détails de
cette initiative originale dans le document ci-dessous.
Livre blanc CML fr (748 ko.)
White paper CML En (744 ko.)
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