L’apparition du dromadaire domestique dans le sud de l’Arabie
(juin 2007)

Tout comme pour le bœuf ou le cheval, les formes sauvages du dromadaire et du chameau avant l’apparition de la zoologie comme science moderne, ont quasiment disparu. Il reste certes des reliquats de chevaux sauvages et de chameau de Tartarie dont descendent les espèces domestiques actuelles, mais le dromadaire demeure sans ancêtre sauvage connu. La séparation entre le chameau de Bactriane à deux bosses et le dromadaire à une bosse date probablement d’avant la domestication. Les incertitudes sur la domestication du dromadaire demeurent importantes tant les restes osseux sont encore rares.

Pendant longtemps, le Camelus thomasi, camélidé de très grande taille dont les restes osseux datant du Pléistocène ont été trouvés en Afrique du Nord, a été considéré comme un possible ancêtre direct du dromadaire actuel. Mais comme celui-ci est originaire du sud de l’Arabie, on comprend mal pourquoi on ne retrouve pas d’ossements du Camelus thomasi datant du Pléistocène tardif et le proche Holocène aussi bien en Afrique du Nord qu’en Arabie. Bref, il y a un chaînon manquant entre l’extinction de cet ancêtre et l’époque de domestication du dromadaire. Un article très riche de H.P Uerpmann et M. Uerpmann paru dans « The journal of Oman studies » a fait récemment le point sur les connaissances actuelles à la lumière de quelques découvertes récentes dans la Péninsule Arabique.

Des restes osseux (fragments de mandibules, phalanges) ont été répertoriés dans des sites sur la partie sud-est de la péninsule arabique montrant que le dromadaire était chassé au Vème millénaire avant J.C. attestant que la domestication n’était pas encore opérée. Cette espèce sauvage serait l’ancêtre direct de la forme domestique actuelle. Il existe tout un faisceau d’évidences selon lequel l’espèce domestique ne serait pas apparue avant le début de l’âge de fer, du moins dans cette zone de la Péninsule. En effet pendant l’âge de Bronze, la présence d’une forme sauvage de dromadaire semble désormais attestée dans les sites de Tell Abraq, Um Nar et d’autres sites de la côte du Golfe Persique. La domestication est un processus long et il est probable que dès cette époque, il y avait quelques chamelons élevés près des hommes après que les chasseurs eussent chassé la mère pour en consommer la viande. Le dromadaire ayant un cycle de reproduction très lent, une surpression de chasse a pu en diminuer la population rapidement comme l’atteste la diminution du nombre de restes osseux de dromadaire dans les périodes précédant le second millénaire avant J.C. La domestication est réellement attestée au tournant du second et du 1er millénaire avant J.C. du moins dans cette zone.

Probablement, l’introduction du cheval en Mésopotamie, dans le Levant et en Egypte entre 2000 et 1500 av. J .C. qui a permis d’augmenter la capacité militaire des peuples l’utilisant comme monture et moyen de transport, a-t-elle accéléré le processus d’utilisation du dromadaire dans le même objectif. La première mention du dromadaire comme animal domestique dans les sources historiques écrites date de 1100 av. J.C lors de l’attaque des côtes méditerranéennes par les tribus du nord de l’Arabie, montées sur des dromadaires. Il est évident que pour user du dromadaire dans de telles circonstances, il fallait que la domestication date déjà de plusieurs centaines d’années dans les parties septentrionales de la Péninsule.

La distinction entre forme sauvage et forme domestique n’est cependant pas très aisée à partir des seuls restes osseux. Il est généralement admis que la principale conséquence de la domestication est une diminution de la taille du squelette et qu’on a là une façon d’identifier le statut de l’animal. Toutefois, cette observation n’est pas attestée pour toutes les espèces domestiquées. Cependant, c’est cette règle qui est appliquée pour les restes osseux de dromadaire. On observe en effet une diminution de la taille des ossements au moment de la transition entre l’âge du bronze et l’âge du fer (voir figures ci-dessous). De plus dans les sites étudiés, à cette période de transition, on assiste à un progressif remplacement de la viande de bœuf par de la viande de dromadaire comme on assiste par ailleurs à un remplacement progressif des dromadaires sauvages de grande taille et sur-chassés, par des dromadaires domestiques plus petits.


Principaux sites de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer dans la partie sud-est de la péninsule arabique
(d’après Uerpmann et Uerpmann, 2002)

De nombreuses questions demeurent donc. Il est probable que cette région ne constitue pas en soi une zone primaire de domestication, puisque des recherches archéologiques ont montré que l’actuel Sultanat d’Oman possédait des formes domestiques du dromadaire environ 3000 ans av. J.C. Mais d’autres fouilles sont nécessaires dans le nord de la Péninsule aussi bien que dans le sud pour confirmer l’aire d’origine de la domestication de cet indéfectible compagnon des hommes du désert.


Figure a

Figure b
Seconde phalange antérieure vue palmaire (fig. a) et vue dorsale (fig. b) respectivement d’un dromadaire sauvage de l’âge de fer (D) provenant du site de Muweilah, et d’un dromadaire domestique actuel (E).
(d’après Uerpmann et Uerpmann, 2002)

 


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