L’engouement pour le lait de chamelle : mythes et vérités
(septembre 2017)

Le lait de chamelle fait l’objet actuellement d’un engouement sans précédent qui se traduit par des prix parfois ahurissant sur le marché, une demande accrue en dehors de régions habituelles d’élevage et une pléthore de publications sur les vertus réelles ou supposées pour la santé humaine.

© FAO
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Tout d’abord un constat purement statistique. Si on se base sur les données officielles du site de la FAO, la production de lait de chamelle (prodlait) augmente beaucoup plus vite que la population de camélidés (campop) dans le monde (voir graphique). Cette soudaine augmentation depuis les années 2000 est liée à une augmentation du pourcentage de chamelles laitières (anllait sur le graphique) et probablement à une augmentation des prélèvements de lait plus qu’à celle de la productivité individuelle qui a peu bougé depuis des décennies.

Cet engouement touche non seulement les pays du chameau, mais aussi le monde occidental qui s’est lancé par exemple dans l’initiative « desert farms » (desertfarms.com) qui propose par internet du lait de chamelle en poudre a plus de 160 €/kg ou du lait frais a plus de 20 € le litre !

Ces prix à faire rêver les producteurs de lait de vache sont le fait de deux phénomènes : (i) la rareté du produit (le lait de chamelle ne représente que 0,37% du lait consommé dans le monde, ce qui est totalement marginal même si cette proportion a doublé en 50 ans), et (ii) les vertus « médicinales » et diététiques qu’on lui prête qui en fait un produit vendu pratiquement comme un « alicament » comme l’atteste par exemple le site www.camel-idee.com qui propose du lait de chamelle lyophilisé en complément alimentaire.

Quelle est la réalité de ces vertus qui concourent au succès du produit et stimule la modernisation de la filière dans bien des pays ? Plusieurs publications dont on a fait partiellement la promotion sur le présent site font état de travaux de laboratoire soulignant les particularités de la composition du lait de chamelle (sa richesse en vitamine C et en fer, ses acides gras insaturés, ses protéines antibactériennes hautement bioactives, son absence d’allergènes majeurs, etc…). Cette composition rend de fait le produit intéressant pour les personnes faisant une allergie au lait de vache, ou les personnes en convalescence, mais pour autant que dire des données relatives à ses effets antidiabétiques, anticancéreux, anti-autisme, sans parler des effets parfois formulés sur l’hypertension, les ulcères gastriques, la cirrhose du foie, etc… A lire certaines revues de synthèse, le lait de chamelle soigne tout, et ressemble de fait à ces plantes médicinales « que nos grand-mères connaissaient » et qui soignent à peu près tout.

La réalité est toutefois plus modeste. Il ne suffit pas de s’appuyer sur quelques observations empiriques pour attester de la réalité clinique d’un effet. Une publication récente analysant une cinquantaine d’articles scientifiques consacrés à des expérimentations cliniques impliquant le lait de chamelle (Mihic et al., 2016. The Therapeutic Effects of Camel Milk: A Systematic Review of Animal and Human Trials. Journal of Evidence-Based Complementary & Alternative Medicine, 21(4), 110-126 ) remet en cause pas mal de certitudes. Sa conclusion est éloquente : « l’évidence actuelle [de l’effet bénéfique du lait de chamelle] est limitée par le manque d’essais bien conçus pour diminuer l’influence des biais. La plupart des études portant sur des modèles animaux, ne rendent compte que de résultats de substitution, et de nombreux tests statistiques utilisés sont inappropriés augmentant le risque d’erreurs. A partir des études humaines, les résultats rapportés sont d’une efficacité et d’une sûreté incomplète ».

Qu’il y ait des effets bénéfiques plus ou moins avérés, c’est très probable. Mais il y a une responsabilité essentielle des scientifiques sur ce dossier. D’une part, les chercheurs publiant ne peuvent pas se contenter de répéter des croyances affichées par certaines anciennes publications sans recul critique (par exemple, tel auteur rapportant des propos de pasteurs sur l’effet soi-disant aphrodisiaque du lait de chamelle, est cité à répétition pendant des années sans que soit remis en cause une telle assertion !). D’autre part, on ne peut pas prendre, en tant que chercheur en camélologie, la responsabilité d’affirmer l’effet du lait du lait de chamelle sur des maladies comme le cancer ou l’autisme sans s’appuyer sur une base expérimentale solide, des essais cliniques incontestables et avec toutes les précautions d’usage. Enfin, il convient d’être précis sur la terminologie. Le lait de chamelle n’est pas un antidiabétique. Il contribue tout au plus à la régulation de la glycémie chez les diabétiques insulino-dépendants. Ce n’est pas un anticancéreux. Il agit in-vitro sur certaines lignées cellulaires ou in-vivo sur des paramètres en lien avec des processus cancéreux.

Le lait de chamelle a sans doute des avantages sur le lait de vache. Ce n’est pas pour autant un remède miracle.

Photo : B. Faye
Photo : B. Faye
 

 


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