Du fromage de chamelle à l'échelle industrielle?
(juin 2012)

Introduction

Watania en Arabie Saoudite est une entreprise agricole qui propose entre autres des produits laitiers aux consommateurs saoudiens à base de lait de chèvre ou de brebis. Le lait de chamelle, quant à lui dans cette ferme qui possède plus d’un millier de têtes, n’est vendu que sous forme de briques de lait pasteurisé. Or depuis quelques semaines, Watania pense à se lancer dans la production industrielle de fromage de chamelle. En quoi cela est-il innovant ?

Jusqu’à présent la fabrication du fromage de chamelle est laborieuse, difficile et non connue traditionnellement (voir notre rubrique « Comment fabriquer du fromage au lait de chamelle ? »). Mais la mise au point récente d’une enzyme coagulante (chymozyme) spécifique pour le lait de chamelle, produite par une compagnie danoise, a permis de remarquables avancées et des essais ont été réalisés par la FAO au « Camel and Range Research Center » dans le nord de l’Arabie Saoudite. Différents types de fromages ont été testés à partir de ferments provenant de la filière fromagère française, mais ces essais sont toujours restés limités à la transformation de quelques litres de lait (typiquement une dizaine) et les fromages de type gruyère ou Brie ont été fabriqués avec des succès inégaux (Konuspayeva et al., 2012).

Pour Watania, l’objectif est de proposer un fromage acceptable par le consommateur saoudien plus habitué aux fromages doux du type « Vache qui Rit » plutôt que tu type « Munster » pour ne prendre qu’un exemple. L’idée a donc consisté à mettre au point une production à grande échelle d’un fromage de type « Halloum », qui représente le fromage « traditionnel » fait à base généralement de lait de chèvre ou de brebis. En voici les différentes étapes.

© B. Faye
1. Contrôle de la contamination
microbienne et du pH.

Préparation

Après avoir contrôlé la qualité du lait par un test à la résazurine (photo 1), 200 litres de lait de chamelle ont été ensemencés par des ferments de la compagnie Coquard en France.

Le premier ferment est un mélange de Streptococcus thermophilus 15%, lactobacilles homofermentaire (65%), lactococcus mesophile 10% et propiobacterium 10% et le second, une poudre à base de Brevibacterium linens et de levures destinées à limiter le développement des moisissures (Photo 2)

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2. Versement des ferments dilués dans le lait cru à 40°C

Fabrication du fromage Halloumi

Après une heure à 38-40°C, une dilution de l’enzyme coagulante (Chy-Max de Hansen ©) est ajoutée (5ml pour 100 litres de lait cru) et au bout de 4 minutes, le lait commence à coaguler. Le lait est ainsi laissé à 25°C pendant 40 minutes (photos 3 et 4).

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3. Préparation de la solution de chy-max
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4. Versement du chy-max dans le lait

Après le caillage enzymatique, le coagulum est coupé en larges carrés et laissé pendant 10 minutes environ, temps pendant lequel, le pH est de nouveau contrôlé (photos 5 et 6).

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5. Découpage du coagulum
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6. Contrôle pH et température

Le coagulum est ensuite verse dans un tissu spécial et placé dans des boîtes plastiques pour l’égouttage (photos 7 et 8).

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7. Versement du coagulum
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8. Début d’égouttage

L’égouttage dure environ une heure et est accéléré en ferment le tissu (photos 9 et 10)

© B. Faye © B. Faye
9. & 10. Nouage du tissu enveloppant le coagulum

Après recuperation du lactosérum, la pâte obtenue est fortement pressée en 3 couches pendant 2 heures (photos 11, 12, 13 et 14).

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11. Récuperation du lactoserum
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12. Preparation de la presse
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13. Preparation de la presse
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14. Pressage

Pendant ce temps, et c’est là le secret du Halloumi, le lactoserum est porté à ébullition, salé. Le surnageant qui apparait à la cuisson et qui comprend des matières grasses et quelques protéines, est éliminé (photos 15 et 16).

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15. Salage (10% solution) du lactosérum
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16. Elimination du surnageant après ébullition du lactosérum.

Ensuite, le coagulum pressé est sorti de la presse et découpé en carrés assez larges (photos 17, 18, 19 et 20).

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17. Démontage de la presse
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18. Enlèvement du tissu
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19. Découpage du fromage frais
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20. Mise au séchage
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21. Placement du caillé pressé
dans le lactoserum chauffé à 85°C

 

Après avoir découpé le fromage en carrés d’environ 8 x 8 cm, ceux-ci sont placés dans le lactosérum bouilli et écrémé à 85°C pour au moins une heure (photo 21).

 

Après avoir sorti le caillé de cette solution bain, la température du fromage est contrôlée (72°C). Puis le fromage est séché quelques minutes et place sur des barres en inox pour le séchage (photo 22 et 23)

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22. Sortie du caillé de la solution de lactosérum
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23. Séchage à température ambiante

Après quelques dizaines de minutes, le fromage est stocké à 4°C (photo 24).

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24. En route pour la chambre froide

Mais il est autorisé de le goûter !! (photos 25 et 26)

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25. Dégustation préliminaire
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26. Une invite pour le Caméraman d’Arte !!

Conclusion provisoire

Le rendement de la fabrication du fromage Halloumi (ou Halloum) s’est avéré meilleur que ce qui était attendu puisque on a obtenu 12 kg de fromage par 100 litres de lait (il faut donc 8,33 litres de lait pour faire 1 kg de fromage). L’analyse bactériologique a montré une bonne qualité de la matière première avec moins de 100 coliformes /ml.

Ce premier essai à l’échelle industrielle est plutôt encourageant, mais il est surtout important de réussir les essais de dégustation auprès d’un panel de consommateurs d’Arabie Saoudite. Car si produire du fromage de chamelle est une chose, le faire accepter par le grand public en est une autre.

A notre connaissance, seule la laiterie Tiviski en Mauritanie s’est risquée à produire du fromage de chamelle pour le marché. Partout ailleurs, les essais sont restés confidentiels. Souhaitons que cet essai en permette d’autres pour promouvoir les produits camelins dans nos assiettes !!

References

Konuspayeva G., Faye B., Baubekova A., Loiseau G., 2012.
Camel gruyere cheese making. Proc. 3rd ISOCARD conference (E.H. Johnson et al., Eds), 29th January -1st February, 2012, Mascate (Sultanate of Oman), 218-219.

Photos : © B. Faye

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