Resardec

Réseau sahélien de recherche et de développement de l'élevage camelin

Propos d'étape n° 1 (juin 2001)

La "camélologie" a connu une période relativement faste pendant la période coloniale grâce aux travaux menés par les vétérinaires français engagés au côté des compagnies méharistes. Par exemple, le traité des maladies du dromadaire de Curasson datant de 1947 fait encore référence. Mais au moment des indépendances des pays sahéliens, l'élevage camelin a été négligé par les institutions de Recherche et les organismes de développement pour diverses raisons :

  • politiques : l'intégration des populations nomades dans les pays issus des indépendances s'est souvent avérée problématique ;
  • sociales : les bovins ont eu la préférence parce qu'ils paraissaient plus "modernes" ;
  • économiques :la régression de l'activité caravanière réduisait considérablement l'intérêt du dromadaire.

Ce phénomène pouvait d'ailleurs s'observer sur l'ensemble des pays arides concernés par l'élevage camelin, depuis la Mauritanie jusqu'en Chine.

Retour du dromadaire au Sahel

La situation a commencé à changer à partir des années 80-90 et ce, pour plusieurs raisons :

  • raisons climatiques : des épisodes de sécheresse ont marqué profondément le Sahel et précipité la crise de l'élevage pastoral ; le dromadaire a montré sa supériorité incontestable, notamment lors des crises climatiques de 1973 et de 1984 ;
  • raisons politiques : les rebellions des populations nomades dans les régions les plus arides des pays sahéliens (Mali, Niger, Tchad) ont révélé leur marginalisation, et il importait aux autorités centrales des Etats indépendants de donner des gages d'appui à ces régions en promouvant une activité centrale et emblématique des nomades, à savoir l'élevage camelin ;
  • raisons sociales : face aux crises climatiques évoquées plus haut, même les éleveurs traditionnellement bovins comme les peuhls ont spontanément opéré des transferts d'espèce, augmentant la part cameline de leur cheptel ;
  • raisons économiques : à l'occasion de la réémergence de l'élevage camelin, on a pu redécouvrir les bonnes capacités de production du dromadaire, notamment en lait, dont la demande urbaine ne cesse d'augmenter, et on a pu remarquer, également, les possibilités réelles d'une intensification des productions camelines.

Des évolutions sont perceptibles dans l'ensemble de la zone sahélienne et tous les pays concernés (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad) connaissent un regain d'intérêt pour l'élevage camelin. Au passage, on peut constater que le même phénomène s'observe dans nombre des pays du dromadaire et du chameau : en Afrique du Nord, les effectifs augmentent après 3 décennies de déclin continu, des boucheries camelines s'ouvrent dans le nord de la Tunisie et du Maroc, des élevages camelins laitiers s'installent dans les périphéries des villes sahariennes, la crise de la vache folle en Europe dope le marché de la viande cameline dans les pays du Golfe et du Machrek, les récentes famines dans la Corne de l'Afrique sont attribués à l'augmentation des effectifs de bovins. Elles précipitent les éleveurs vers un retour remarqué au dromadaire, etc…

Des partenaires déjà bien impliqués

Ce regain d'intérêt se concrétise, un peu partout au Sahel, par un ensemble de projets et d'actions de recherche ou de développement qui, cependant, ne sont pas coordonnés. Pourtant, la nécessité d'une telle coordination au niveau régional s'impose de plus en plus, d'une part parce que les problèmes rencontrés par les différents acteurs de la filière cameline sont quasi-identiques dans tous les pays de la sous-région, d'autre part parce que les productions camelines sont l'objet d'échanges nombreux et informels mais très peu connus, et encore moins quantifiés. On peut, sans risque de se tromper, considérer qu'il existe des flux très importants de bétail sur pied depuis les pays sahéliens vers les pays d'Afrique du Nord et du Golfe : il y a là donc un schéma semblable à celui des bovins, mais inversé par rapport aux destinations :

  • du Sahel vers les pays méditerranéens et du Golfe pour les camelins ;
  • du Sahel vers les pays côtiers pour les bovins.

Avec des effectifs camelins presque aussi importants que les effectifs bovins, on peut s'étonner que les flux bovins soient assez bien évalués alors que ceux des dromadaires soient quasiment inconnus. On pourra mieux appréhender l'importance économique de la filière cameline par des approches concertées des pays sahéliens et ce, d'autant plus que l'on observe des compétences diversifiées et complémentaires dans les différents pays concernés.

En Mauritanie, le Cnerv s'intéresse depuis longtemps à la filière cameline, notamment sur le problème crucial de la trypanosome ; par ailleurs, la Mauritanie a su développer une filière laitière grâce à l'émergence de Pme laitières qui ont joué un rôle moteur pour l'approvisionnement de Nouakchott en lait de chamelle et en produits laitiers transformés (yaourts et fromages au lait de chamelle). Incontestablement, les partenaires mauritaniens ont une avance significative dans ce domaine.

Au Niger, l'existence depuis plusieurs années d'un projet d'appui institutionnel à la filière cameline a assuré des avancées significatives dans le domaine de la traction cameline et celui de la formation des acteurs de la filière en matière de pathologie. Des interactions fortes entre projet de développement et instituts de formation supérieure (université), professionnelle (Ipdr par exemple) et de base (auxiliaires d'élevage) sont effectives. Des documents pédagogiques sont disponibles et contribuent à la diffusion des acquis du projet.

Au Tchad, le laboratoire de Farcha à N'Djamena a mis en œuvre de nombreux travaux en épidémiologie et plusieurs projets de développement se sont impliqués dans les zones pastorales du nord et de l'est du pays où domine l'élevage camelin. Des avancées significatives sur la connaissance des systèmes pastoraux camelins sont à mettre au compte des différentes équipes œuvrant dans ce pays. Par ailleurs, un important projet (PSSP : projet de sécurisation des systèmes pastoraux) comportant un volet camelin est en cours de mise en place, cette partie pouvant bénéficier de l'expérience acquise au Niger.

Au Mali, un diagnostic a été établi lors d'une mission du Cirad il y a 10 ans, mais aucune action d'envergure n'a été signalée depuis en partie pour des raisons politiques évidentes. Mais le pays n'échappe pas aux dynamiques en cours et des premiers contacts ont été établis avec l'Ier. Impliqué dans des études sur le recensement du bétail incluant les dromadaires, le Mali pourrait à terme proposer les méthodologies adaptées pour les techniques de recensement du cheptel camelin.

A cette liste non exhaustive s'ajoutent les relations avec des instituts de recherche et/ou de formation :

  • l'Ecole inter-Etats des sciences en médecine vétérinaire (Eismv) de Dakar, qui intègre de plus en plus un cursus de formation sur l'espèce cameline dans la mesure où nombre des étudiants proviennent des pays sahéliens ;
  • l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat (Iav), qui co-organise avec le Cirad un cours international sur le dromadaire dans le cadre du Ciheam (Centre International des Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes) ;
  • l'Unité de coordination pour l'élevage camelin (Ucec) du Cirad (Montpellier), qui assure l'appui scientifique du projet camelin au Niger, co-encadre de nombreux étudiants et professionnels de la filière cameline dans les différents pays, organise cours et ateliers internationaux sur le sujet, assure une veille scientifique sur la filière cameline (documentation exhaustive) et valorise les bases de données scientifiques consacrées au dromadaire (ouvrage, CD-Rom, site web, document pédagogique).

Premières actions

Conformément à ses statuts, le Réseau sahélien de recherche et de développement de l'élevage camelin (Resardec) a pour seul objectif de renforcer les capacités d'analyse et d'action des partenaires par l'échange d'information, le partage des savoirs et des expériences, la confrontation des idées, les concertations de diverses natures (ateliers thématiques, forum électronique) et la formation des acteurs dans l'ensemble de la zone sahélienne. L'objectif à moyen terme de constituer un projet régional ne pourra se concrétiser que par un réseau de partenaires volontaires, motivés et moteurs dans les pays respectifs.

Il ne paraît pas souhaitable d'attribuer à un tel réseau un carcan institutionnel. Le dispositif, souple et léger, se limite à une coordination centrale (un secrétariat exécutif) qui, dans un premier temps sera confié au projet d'appui institutionnel de la filière cameline au Niger. Le Cirad, au travers de l'Ucec, de par ses capacités de veille et de documentation, assurera le rôle d'appui scientifique au réseau.

Dans un premier temps, les actions du réseau seront :

  • analyse de la mise en place de la filière lait périurbaine en Mauritanie, pour des échanges d'expérience avec le Niger ;
  • appui à l'élaboration des documents techniques de vulgarisation dans le cadre du Pssp au Tchad ;
  • participation à un projet régional dans le cadre de l'appel d'offres Incodev de l'Union européenne coordonné par le Cirad ;
  • identification des axes prioritaires d'action au Mali ;
  • participation au cours international sur les camélidés organisé dans le cadre du Ciheam ;
  • contribution au site web des savoirs du Cirad sur les camélidés ;
  • mise en place d'un forum électronique et d'un bulletin de liaison ;
  • mise en place de modules de formation de base ;
  • propositions de stages d'étudiants de la sous-région, ou d'ailleurs, avec échanges entre pays.

Cette liste non exhaustive devra s'enrichir au fur et à mesure des propositions des partenaires.

 


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