|
Régulation endocrinienne du métabolisme phosphocalcique chez la chamelle en lactation et son nouveau-né
ELKHASMI, M. (2002) Thèse de Doctorat d'état ès sciences soutenue à
l'université Hassan II - Mohammedia, faculté des sciences II, Ben M'sik Casablanca, Maroc ; 171p.
 Résumé
Le dromadaire, Camelus dromedarius, est lié à un milieu aux ressources primaires
limitées et aléatoires. Dans les zones arides et semi-arides, il est indispensable aux
éleveurs et à la population du Sud marocain. C'est un moyen de locomotion, donc d'échanges,
et de production de lait et de viande, au même titre que les autres ruminants domestiques.
Enfin, le dromadaire est symbole de traditions et de culture arabo-musulmanes. En dépit de
cette importance socio-économique, le dromadaire est très négligé sur le plan scientifique.
Dans l'espèce cameline, le squelette de l'adulte s'expose facilement à des fractures spontanées
associées à la maladie de Kraft, dûe à une carence phosphocalcique de la ration alimentaire. De
plus, au cours des périodes de déshydratation plus ou moins intenses, les os appendiculaires
sont fragilisés. Il faut ajouter que le dromadaire est souvent menacé par une morbidité et une
mortalité néonatales dûes à des diarrhées plus ou moins aiguës. Ces troubles pathologiques tendent
à réduire l'effectif du cheptel camelin et à causer des pertes économiques considérables.
Chez la chamelle en lactation, comme chez les autres ruminants domestiques, le squelette est
soumis à une déminéralisation plus ou moins excessive, dûe à l'exportation mammaire
phosphocalcique. Celle-ci est destinée à couvrir les besoins de la croissance osseuse
néonatale en calcium et en phosphore. On outre, elle conditionne le format de l'animal
adulte, duquel dépendent en grande partie les potentialités ultérieures de production et de
reproduction.
Chez la chamelle postparturiente lactante et son chamelon nouveau-né, nous avons étudié la
dynamique d'un biomarqueur de la formation osseuse (ostéocalcine : OC) et de certaines
hormones susceptibles d'intervenir dans la régulation des métabolismes phosphocalcique ou
osseux : métabolites de la vitamine D, hormones thyroïdiennes et somatomédine C. D'autre
part, nous avons mis en évidence certaines régulations endocriniennes, notamment celle de
l'absorption intestinale au cours de la croissance néonatale, et celle de la sécrétion
mammaire phosphocalcique. Les résultats obtenus sont comparés à ceux, mieux connus, des
autres ruminants domestiques.
Les concentrations plasmatiques de la 25-hydroxyvitamine D [25(OH)D] et de la
1,25-dihydroxyvitamine D [1,25(OH)2D] mesurées chez nos animaux, sont de 10 à15 fois
supérieures à celles rapportées chez les ovins et les bovins. Le déclenchement de la
lactation coïncide avec des taux plasmatiques en OC, 25(OH)D et 1,25(OH)2D très élevés.
Chez le chamelon nouveau-né, les taux des métabolites de la vitamine D, sont faibles à la
naissance, pour devenir significativement plus élevés que les taux maternels après la
première semaine de vie. Cependant, l'ostéocalcinémie, la calcémie et la phosphatémie
néonatales sont significativement plus élevées que les mesures maternelles, durant tout le
premier mois. Ces résultats suggèrent un remodelage osseux accéléré, et la possibilité d'une
contribution de ces facteurs à la régulation de l'homéostasie calcique et du métabolisme
osseux au cours de la lactation et au cours de la croissance néonatale chez le dromadaire.
En effet, la période néonatale et la lactation sont marquées respectivement par une
minéralisation et une résorption osseuses intenses.
Au cours de la 1ère semaine après la naissance, les concentrations plasmatiques néonatales
de la triiodothyronine et de la thyroxine libres (FT3 et FT4), sont significativement plus
élevées que les concentrations maternelles; celle de la thyroxine totale (T4) reste plus
élevée chez le chamelon que chez sa mère, ce qui suggère que ces hormones semblent jouer un
rôle prépondérant dans la modulation de la croissance osseuse et la régulation du
métabolisme phosphocalcique chez le chamelon nouveau-né.
Nous avons démontré que les taux plasmatiques de la somatomédine C (IGF-I) chez le chamelon
sont significativement plus faibles que les taux maternels au cours des premiers jours après
la naissance, et augmentent progressivement avec l'âge pour contribuer vraisemblablement, au
moins en partie, à la régulation des métabolismes phosphocalcique et osseux.
Nos résultats ont démontré que le colostrum de la chamelle est très riche en minéraux (Ca,
Pi, Mg, Na et K), en 25(OH)D et en IGF-I. Son pH trop acide par rapport à celui des autres
ruminants domestiques, pourrait être du à sa richesse en vitamine C. Ainsi, la prise
colostrale pourrait au moins en partie contribuer à la croissance osseuse au cours de la
première semaine de vie chez le chamelon nouveau-né. Ces données nous amènent à avancer, que
chez la chamelle, la phase colostrale est étalée sur les 1ers j de lactation. Par rapport au
colostrum, le lait de la chamelle est riche en T4. Le lait de la chamelle ne semble pas
différer de celui des autres ruminants domestiques, et constitue ainsi, une source
nutritionnelle essentielle (minéraux et hormones) pour le chamelon et le consommateur, dans
un milieu où la survie est précaire.
Nos résultats concernants les taux de la somatomédine C, de la T4 et de la 25(OH)D dans le
lait et/ou le plasma, sont les premiers rapportés dans l'espèce cameline, et pourraient être
utilisés comme valeurs de références chez le dromadaire.
La 1a,25(OH)2D3 pourrait avoir un effet direct au niveau de la
glande mammaire chez la chamelle lactante. En effet, l'injection de ce stéroïde
s'accompagne d'une hypercalcémie et d'une hyperphosphatémie associées à une augmentation de
la concentration et de la sécrétion du Ca et du Pi dans le lait. Chez le chamelon, nous avons
démontré l'effet de la 1a, 25(OH)2D3 sur l'absorption intestinale du
Ca en utilisation le test du strontium (Sr). Ce métabolite augmente les taux plasmatiques du Ca
et du Pi ainsi que la cinétique d'apparition du Sr dans le sang.
Les résultats présentés dans ce travail permettent également de mettre en évidence le rôle
du peptide apparenté à l'hormone parathyroïdienne (PTHrP) au cours de la croissance
néonatale chez le chamelon nouveau-né. En utilisant le test du xylose, nous avons démontré
que ce peptide potentialise les capacités néonatales de l'absorption intestinale. Cette
action pourrait résulter d'un effet direct du PTHrP au niveau intestinal ou indirect
consécutif à une augmentation de la concentration plasmatique ou de l'activité des
récepteurs de la 1,25(OH)2D au niveau intestinal.
Vue la grande masse osseuse du squelette camelin, le stress de la déshydratation et de
l'insuffisance de la source alimentaire, ainsi que le taux de production laitière au même
titre que les bovins; les taux circulants de la 25(OH)D et de la 1,25(OH)2D dix fois plus
élevés que ceux des autres ruminants domestiques, pourraient jouer un rôle prépondérant
dans la régulation du métabolisme phosphocalcique (Os, intestin, rein et glande mammaire),
au cours de la lactation et de la croissance osseuse chez le dromadaire.
Nos résultats pourraient être exploités par les professionnels (vétérinaires, éleveurs)
dans la prophylaxie de la maladie de "Kraft". Il faut être vigilant à ce que le chamelon
bénéficie de la prise du colostrum, et penser à un traitement sous forme de vitamine D
associée au calcium, pour l'animal adulte surtout celui castré, et au cours de la gestation qui
coïncide avec l'ostéogenèse périnatale intense et la préparation à la lactation au dépens de
l'os maternel.
En effet, la richesse du colostrum en PTHrP et l'hyperthyroxinémie néonatale, posent le
problème d'une action éventuelle de ces hormones sur les processus de différenciation de
l'entérocyte, du transit gastrointestinal et de l'absorption des minéraux apportés dans le
lait, chez le chamelon sain et diarrhéique. D'autre part, des travaux ultérieurs plus
approfondis pourraient élucider l'impact de la déshydratation associée à la lactation sur
le syndrome de "Kraft".
Contact
riad_fouad@hotmail.com
|
