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L'urine de dromadaire a-t-elle vraiment des propriétés anticancéreuses ?
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Photo : B. Faye |
La tradition veut que l’urine de chameau soit utilisée notamment pour traiter les maladies de peau telles que la teigne, la gale ou les abcès cutanés, les maux de dent, les affections des yeux, les morsures de serpent, mais aussi toutes les douleurs apparaissant dans l’abdomen (en particulier les douleurs de l’estomac), et les ulcères. L’urine de chameau a aussi des propriétés antipelliculaires, et utilisée en shampoing, elle apporte un lustre brillant à la chevelure. Elle peut aussi prévenir de la soif et de la faim chez le caravanier perdu dans le désert, et même permettrait de réveiller un homme saoul de sa torpeur alcoolique, ce qui dans les pays prohibant l’alcool, apparait plutôt cocasse. Plusieurs chercheurs des pays arabes affirment également que l’urine de chameau a des propriétés anticancéreuses, tout particulièrement contre le cancer du foie.
Qu’en est-il des fondements scientifiques de ces observations empiriques traditionnelles ? Les vertus thérapeutiques de l’urine de chameau sont-elles le fruit d’un effet placebo, de croyances, de superstitions, ou sont-elles avérées par des expérimentations incontestables ?
On sait déjà, que les grands camélidés disposent d’un appareil rénal remarquable, aux capacités physiologiques permettant la survie de l’espèce dans les conditions du désert, soit la variabilité diurne et nocturne des températures, l’accès aléatoire à l’eau, la dispersion et la pauvreté des ressources alimentaires. De fait, le rôle des reins dans la filtration, le recyclage et la métabolisation (l’activité enzymatique du rein est supérieure à celle du foie contrairement aux autres espèces) est primordial pour assurer l’adaptation du dromadaire. De là, nombreux sont ceux qui concluent aux propriétés forcément particulières de l’urine synthétisée par les reins du chameau (cf. rubrique « anatomie »). La composition physico-chimique de l’urine de chameau est en effet différente de celle de beaucoup d’autres mammifères. Cette composition varie cependant en fonction des plantes consommées et on peut se demander si l’intensification de l’élevage (marquée par le passage des plantes du désert aux fourrages irrigués) ne risque pas de remettre en cause les capacités thérapeutiques de cette urine.
Plusieurs éléments dans la composition de l’urine concourent à supporter l’idée d’un réel effet thérapeutique. L’urine de chameau ne contient pas d’ammoniac, à l’inverse des autres animaux (il a été prouvé par ailleurs que le chameau en stabulation dégage beaucoup moins d’ammoniaque que la vache), et relativement peu d’urée, ce qui, contrairement aux urines des autres espèces, ne le rend pas potentiellement toxique. De fait, son odeur n’est pas désagréable. Globalement, l’urine de chameau concentre en moyenne 10 fois plus de sels minéraux que dans l’urine humaine. De plus, alors que l’urine est généralement acide, celle du chameau a un pH basique supérieur à 7,8. Dans des études récentes, il a été montré que l’urine de chameau diminuait les risques de thrombose (en agissant contre l’agrégation plaquettaire). Elle aurait aussi une activité inhibitrice de la croissance de moisissures comme Candida albicans, Aspergillus niger, Fusarium oxysporum même après chauffage à 100°c. Lors d’expérimentations réalisées in vivo et in vitro, il a été également montré que l’urine de chamelle en début de gestation avait des propriétés hépato-protectrices et antiparasitaires, en particulier contre la douve du foie.
Dispositif de collecte d’urine de dromadaire (Emirats Arabes Unis) Photo : B. Faye |
Qu’en est-il des propriétés anticancéreuses ? On sait que l’urine de chameau inhibe l’induction d’un gène d’activation du cancer (Cyp1a1) sur des lignées cellulaires, donc in vitro. Dans une publication parue en 2012, l’urine de chameau a été testée sur des protéines apoptotiques et oncogéniques. De plus, la cytotoxicité et la production de cytokines par ces cellules traitées à l’urine de chameau ont été évaluées. Il apparait dans cette étude in vitro que l’urine de chameau a un effet cytotoxique sur quelques lignées cellulaires cancéreuses (mais pas toutes) avec un effet marginal sur les cellules épithéliales normales. Il a été montré plus précisément que 216 mg/ml d’urine de chameau lyophilisée inhibaient la prolifération cellulaire et le déclenchement de plus de 80% des apostoses dans différentes cellules cancéreuses. De plus, l’urine dérégule les protéines tumoro-stimulantes comme la survivine, la ß-caténine ou la cycline-D1. Elle augmente également les inhibiteurs de la kinase cycline-dépendante. Enfin, dans ces traitements en laboratoire sur des lignées cellulaires, il apparait que l’urine de chameau n’a aucun effet cytotoxique sur les cellules sanguines mononucléaires normales et a un fort effet d’immuno-induction par l’inhibition des cytokynes Th2.
Il est donc prouvé, au moins in vitro, que l’urine de chameau à des propriétés anticancéreuses réelles et immuno-modulatrices. Reste a tester in vivo, la réalité de ces observations.
PS :
Un lecteur nous précise que l'urine de chameau n'est pas Merci à Amin Kanzari pour cette précision ! |
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