Le marché mondial de la viande caméline 
(juillet 2018)

Contrairement au lait de chamelle qui sauf exception reste souvent cantonné aux espaces nationaux, la viande de chameau est l’objet d’un marché régional florissant, bien qu’il soit difficile d’estimer avec précision, la part du cheptel camelin objet de ces transactions « transfrontières ». En effet, le commerce de la viande cameline se fait essentiellement sous forme d’animaux vivants destinés à l’abattage plutôt que sous forme de carcasses, bien que l’Australie tente de se positionner sur un marché de carcasses « hallal » pour les pays du Golfe.

En Afrique, il s’agit surtout d’un marché caractérisé par un flux Sud-Nord. Les dromadaires de Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Soudan, Kenya et Ethiopie sont destinés au pays d’Afrique du Nord (du Maroc à l’Egypte) et de la Péninsule arabique, les flux les plus importants étant ceux reliant la Corne de l’Afrique au marché égyptien et saoudien. Ainsi, le taux d’abattage à l’échelle mondial qui est d’environ 7%, peut atteindre 95% en Egypte, 75% en Arabie saoudite, 50% aux Emirats et 31% au Maroc et en Libye, témoignant de l’importance des importations pour satisfaire la demande nationale. A l’inverse, dans les pays sahéliens, ce taux ne dépasse pas 5%, les abattages n’étant destinés qu’aux besoins nationaux.

Plusieurs ports de la Mer Rouge (Port-Soudan, Djibouti) ou de l’Océan Indien (Hargeisa, Mogadiscio, Berbera) sont devenus des plaques tournantes de ce commerce car la plupart des animaux exportés sont convoyés par bateau vers Aden, Djeddah, Mascate ou Dubai. En revanche, en Afrique Centrale et de l’Ouest, le convoyage se fait à pied à travers le Sahara, telle la « route des 40 jours » reliant El-Obeid au Soudan à Assouan en Egypte. Bien que la majorité des routes d’exportation soit orientée Sud-Nord comme signalé, il existe des flux inverses vers les pays côtiers tels que le Sénégal (en provenance de Mauritanie) ou le Nigeria (depuis le Niger et le Tchad) car un certain engouement pour la viande de dromadaire réputée pour ses qualités diététiques (pauvreté en cholestérol, effet « aphrodisiaque » selon certains !!) s’est fait jour depuis quelques années dans ces pays non-chameliers.

Cependant, une part seulement du marché est formellel et passe par les circuits obligés. Il y a en effet un décalage notable entre les déclarations officielles et le potentiel d’exportation. En Somalie, par exemple, on considère que 10% seulement du commerce subit les contrôles sanitaires obligatoires et paie les taxes afférentes. Bien sûr, l’insécurité des routes commerciales depuis les conflits politiques récurrents qui affectent la zone, contribue à une telle faiblesse des circuits formels. Mais cela n’empêche pas un commerce qui a démarré au milieu du XIXe siècle, à l’époque où les autorités coloniales britanniques ont organisé ce marché pour approvisionner la garnison établie à Aden en 1839. Longtemps, la Somalie avait de fait un quasi-monopole sur ce commerce. Ce sont les conflits de la fin du XXe siècle (guerre somalo-ethiopienne, guerre civile en Somalie, conflit érythréen etc…) qui ont permis aux pays voisins de la Somalie de rentrer en compétition sur ce marché. Toutefois, les exigences sanitaires accrues de la part des pays importateurs du Golfe, notamment depuis les crises sanitaires (épidémie de Fièvre de la Vallée du Rift, épidémie du MERS-Coronavirus) dont l’origine a été attribuée à des animaux importés, ont incités les ports d’exportation à installer des quarantaines et établir une certification sanitaire reconnue internationalement par des « Sociétés d’Accréditation Officielle ». De fait, les circuits « formels » et « informels » peuvent se combiner, par exemple avec des passages de frontière « clandestins » entre l’Ethiopie et Djibouti et un acheminement « officiel » depuis le port de Djibouti, ou bien un contrôle vétérinaire dans le pays d’origine et un passage clandestin sur des bateaux de contrebande...

La nature des animaux vendus change d’une zone à l’autre. Le marché de la Péninsule arabique demande des animaux jeunes (entre 1 et 2 ans), engraissés dans des fermes spécialisés dès leur arrivée dans le pays d’importation avant d’être abattus. En revanche, le marché Egyptien ou Libyen est demandeur d’animaux matures, ce qui en facilite l’exportation par voie terrestre (à pied donc, bien que le commerce par camion tende à se développer). C’est ainsi que les ateliers d’engraissement, bien présents en Arabie saoudite par exemple, sont peu développés en Afrique du Nord, sauf peut-être en Tunisie.

Dans les pays sahéliens dépourvus de port et où les convoyages se font en camion ou à pied, il existe aussi des routes précises avec des lieux de passage de frontière comme par exemple entre Abéché au Tchad et Koufra en Libye. Le trajet dure 7-10 jours en camion, 50 à 60 jours à pied. En Mauritanie, où la consommation de viande de chameau représente 25% de la viande rouge consommée localement, l’exportation est surtout orientée vers l’Algérie via le Mali et vers le Sénégal, depuis la fermeture (pour raisons sanitaires) de la frontière marocaine. La plupart des circuits sont informels et se basent sur des échanges de bergers au moment du passage de la frontière. Toutefois, la pression à l’export est si importante pour les jeunes femelles que le Ministère de l’élevage en a interdit la vente pour l’exportation, en tout cas officiellement.

En conclusion, le marché de la viande de chameau est un marché dynamique, représentant une opportunité pour les pays africains, mais on manque de données fiables sur les flux réels. Par ailleurs, on connait mal les flux au-delà de la zone Afrique/Moyen-Orient.

Les dromadaires à l’export :
parc de quarantaine à Djibouti.
Photo : B. Faye
Ferme d’engraissement de jeunes chamelons
importés de Somalie en Arabie Saoudite.
Photo : camel feed-lot

 


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