Le dromadaire est-il sensible à la fièvre aphteuse ? 
(février 2005)

Voilà une question régulièrement posée à laquelle la réponse n’est pas facile. Une revue de la littérature réalisée par des vétérinaires de différents pays permet de faire un premier point. On en prendra ici que quelques conclusions après avoir rappelé quelques évidences.

La fièvre aphteuse (FA) est une maladie virale bien connue des vétérinaires et des éleveurs des pays où elle est enzootique, ce qui est le cas dans bien des pays où vit le dromadaire.

Si l'interaction de la FA avec les bovins, ovins et caprins est parfaitement connue et balisée, tel n'est pas le cas vis à vis du dromadaire. Sa sensibilité à la FA reste encore aujourd'hui largement discutée, de même que son rôle éventuel au cours des épizooties comme réservoir ou porteur sain (un prochain article de Wernery et Kaaden doit sortir dans " The Veterinary Journal ", et un travail bibliographique a été réalisé par Y. Leforban à la FAO ainsi que par le Dr Schneegans en Mauritanie).

A l'heure où certains opérateurs économiques en Afrique et ailleurs s'intéressent au dromadaire dans le cadre d'un élevage productif à vocation exportatrice, pour les produits laitiers notamment, il conviendrait de parvenir à lever le voile sur sa place véritable dans l'épidémiologie de la FA. En effet, cette maladie constitue l'une des principales préoccupations sanitaires des services vétérinaires des marchés visés, l'Union européenne en particulier.

Les connaissances sur l'épidémiologie de la maladie chez le dromadaire sont malheureusement limitées et le nombre de références disponibles malheureusement faibles (une trentaine tout au plus en incluant les petits camélidés andins). La plupart des études expérimentales se sont déroulées à la fin des années 1970 et au cours des années 1980, principalement en Egypte et au Moyen Orient. Il y a donc clairement depuis au moins 10 ans un déficit d'intérêt pour le rôle du dromadaire dans la FA ou tout au moins de publication sur cette question en attendant la revue De Wernery et Kaaden qui fera le point à partir des données les plus récentes.

Les conclusions qu'on peut en tirer sont les suivantes :

Même s'il faut rester prudent dans l'interprétation de résultats provenant de très peu d'expérimentations, on peut considérer que les cellules de dromadaire semblent présenter une sensibilité au virus de la FA au même titre que celles des porcs et bovins, reconnus pour être des espèces particulièrement réceptives à la FA.

Cependant, les signes cliniques de la FA chez le dromadaire sont très rarement décrits en milieu naturel. La symptomatologie exprimée après inoculation expérimentale est elle aussi très fruste, se limitant quand elle existe à des ulcères buccaux très passagers et survenant après un temps de latence plus long que chez les bovins.

La séroconversion du dromadaire, même si elle est contestée par certains, semble malgré tout assez fréquente. Cependant, il paraît clair que les anticorps apparaissent assez tardivement et que leur titre reste peu élevé par rapport aux autres espèces sensibles à la FA.
Peu décrit en milieu naturelle – et pour cause, la FA clinique chez le dromadaire semblant être rare – l'isolement viral est quasi systématiquement réalisé à l'occasion des inoculations expérimentales. Le virus est en particulier retrouvé dans les fecès au cours de la première semaine post-inoculation. Dans l'oropharynx (probang test), la période et la durée de l'excrétion semble plus variable, débutant parfois quelques heures après l'inoculation et s'étalant jusqu'à plusieurs semaines post-inoculation.

La virémie ainsi que la présence du virus dans d'autres tissus (poumons, rate, couronne podale) est également confirmée. En revanche, la présence du virus dans la cavité buccale (langue et salive) semble plus aléatoire.
Il apparaît au fil des observations publiées que la FA se transmet peu ou pas du tout des bovins aux dromadaires, même en situation expérimentale. Dans le sens inverse, c'est à dire du dromadaire vers le bovin, la conclusion est moins nette. La contagion apparaît possible. Elle se traduit par le développement d'une forme très atténuée de la maladie, ou simplement par une séroconversion. Cependant, l'isolement viral est parfois positif chez les bovins contacts.
Il apparaît au final que le dromadaire, bien qu'étant sensible à la FA comme on vient de le voir, ne joue probablement qu'un rôle tout à fait marginal dans l'épidémiologie de la FA dans des zones géographiques où cette maladie est enzootique, ce qui est le cas d’Afrique sahélienne.

En revanche, malgré sa faible réceptivité à la FA, ou même d'une certaine façon à cause d'elle, le dromadaire peut semble-t-il jouer un rôle de porteur sain, c'est à dire véhiculer le virus sans présenter de signes cliniques de la maladie. En ce sens, le dromadaire en tant qu'animal vivant pourrait bien constituer un danger potentiel à ne pas complètement négliger pour les pays indemnes. Toutefois, la probabilité de propagation à partir de cette espèce apparaît faible. Dans leur article à paraître, Wernery et Kaaden sont même plus affirmatifs. D'après eux, avec des protocoles plus rigoureux et un isolement du virus dans des laboratoires de références sérieux, il semble que le dromadaire ne devienne pas porteur viral.

Le sujet étudié sous cet angle ne constitue que l'un des nombreux aspects de la réponse à la problématique de l'exportation de produits laitiers de dromadaires vers l'Union européenne. Il faudrait en effet pour aller plus loin se pencher, entre autres aspects, sur une éventuelle excrétion virale dans le lait. Or, on manque totalement de données sur ce sujet.

Au final, il est évident que des travaux complémentaires doivent être entrepris car les questions restent présentes. Si tout le monde s'accorde pour dire que les dromadaires (et les chameaux de Bactriane) sont peu susceptibles, le rôle de celui-ci comme porteur sain reste peu argumenté.


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