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Le chromosome Y pour explorer le passé du chameau de Bactriane
(janvier 2020)
Dans toutes les espèces, les marqueurs
polymorphes sur la partie spécifique du chromosome Y fournissent
des informations utiles pour explorer les généalogies
masculines. Chez les grands camélidés, les lignées maternelles
sont bien étudiées en se basant sur l’ADN mitochondrial, mais
pour ce qui concerne les lignées mâles, l'absence de séquence de
référence sur un chromosome Y, empêche d’avoir une vision claire
de la démographie des reproducteurs au cours de l’Histoire. Or,
récemment un consortium international de chercheurs mongols,
chinois, autrichiens, français et américains (Felkel S.,
Wallner B., Chuluunbat B., Yadamsuren A., Faye B., Brem G.,
Walzer C., Burger P., 2019. A First Y-Chromosomal haplotype
network to investigate male-driven population dynamics in
domestic and wild Bactrian camels. Frontiers in Genetics, 10,
article 423, 1-7) ont pu identifier une séquence
spécifique du chromosome Y (un haplotype) du chameau de
Bactriane qui permet de tracer les lignées mâles au cours de
l’Histoire. Sur la base de 596 variantes de nucléotides simples,
un réseau phylogénétique-Y avec sept haplotypes a pu être
révélé. Cette technique a permis de dater avec précision la
séparation entre le chameau de Bactriane (Camelus bactrianus)
et le chameau sauvage de Tartarie (Camelus bactrianus ferus)
il y a 27000 années. Toutefois, un des chameaux sauvages faisant
partie de l’échantillon de départ s’est retrouvé dans le même
haplogroupe que l’espèce domestique, indiquant des risques
d’érosion génétique de la population sauvage. Par ailleurs, la
divergence entre les lignées domestique et sauvage basées sur
l’haplotype Y, s’avère beaucoup plus récente que celle obtenue
par l’analyse de l’ADN mitochondrial (permettant d’évaluer les
lignées femelles) qui se situerait entre 580.000 et 1,8 millions
d’années. Une telle incohérence entre ces estimations, semble
assez courante. Cela pourrait être du au fait que le taux de
mutation de l’ADN mitochondrial est plus rapide et que la «
signature générationnelle » soit différence selon le sexe. Le
temps estimé du plus proche ancêtre commun de l’haplotype
domestique dans l’échantillon étudié remonterait à 1764 ± 416
années soit bien après la domestication du Bactriane (survenue
il y a 4000 à 6000 ans), alors que pour l’échantillon de
Bactrianes sauvages remonterait à 490.000 ans. Une telle
différence signe depuis longtemps un manque de reproducteurs
dans cette population sauvage menacée d’extinction.
Le chameau de Bactriane aurait été
domestiqué
il y a 4000 à 6000 ans dans le désert de Gobi.
Photo : B. Faye
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