Synthèse de l'atelier sur le lait de chamelle en Afrique 
5-8 novembre 2003
Niamey (Niger)
FAO – CIRAD/EMVT - KARKARA

L’atelier international sur le lait de chamelle en Afrique tenu à Niamey du 5 au 8 novembre 2003 est la résultante d'un ensemble de considérations et d’évolutions perceptibles depuis la fin des années 80 :

Lait de chamelle cru
Lait de chamelle cru fraîchement trait,
Niger (2003)
(Photo G. Konuspayeva)

  • La nécessité d'accompagner le développement des systèmes camélins vers l'intégration dans des logiques marchandes en matière de production laitière.
  • La contribution de plus en plus grande des productions camélines à la sécurisation alimentaire des populations dans les pays arides.
  • L'évolution de l’état des connaissances sur le produit « lait de chamelle » et sur les systèmes de production cameline, notamment depuis l'atelier de Nouakchott en 1994.

L'appui au développement de la production laitière caméline, souvent marginale dans les projets consacrés aux régions arides, fait désormais partie intégrante des objectifs et des actions de la Division de la production et de la santé animales de la FAO. De plus, au travers du projet de coopération technique entre le gouvernement français et la FAO basé sur la promotion en Afrique de l'Ouest de la méthode de réactivation du système de la lactoperoxydase (LPO), un volet concernant le lait de chamelle a été spécialement mis en avant. De son coté, le département Emvt du Cirad accompagne sur le plan technico-scientifique depuis l'atelier de Nouakchott les initiatives tournant autour de la promotion du lait de chamelle dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. Enfin, l'ONG Karkara est l'acteur principal d'appui au développement à la filière cameline au Niger. Par ailleurs, à travers cette ONG, c’est le réseau sahélien (RESARDEC) qui fait preuve de son activité en stimulant ce genre de rencontres. Ces considérations ont justifié l’organisation de l'atelier lait de chamelle en Afrique à Niamey. Celui-ci a regroupé des participants de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb, ainsi que des compétences internationales sur la technologie du lait de chamelle et les systèmes de production laitière cameline.

Contenu de l'atelier

La visée opérationnelle de l'atelier a conduit les organisateurs à associer des conférences scientifiques, des exposés techniques, des partages d'expérience de terrain, des démonstrations pratiques et des groupes de travail pour préparer des recommandations à objectif stratégique pour la filière.
Trois sessions de conférences ont été organisées :

Performance et productivité laitière

Au cours de ces présentations, B. Faye (France) a rappelé la difficulté de disposer de données fiables pouvant servir de références pour les décideurs et les bailleurs de fonds. Partant d'un exemple concret au Niger, M. Chaibou (Niger) a de fait montré l'importance de la prise en compte de la partie prélevée par le chamelon pour avoir une estimation précise du potentiel laitier de la chamelle. Par ailleurs, les contraintes au développement de la filière laitière cameline ont été mentionnées dans différents pays (Tunisie, Algérie, Soudan) montrant la marginalisation de l'élevage camelin en Algérie par rapport à l'élevage bovin (A. Chehma, Algérie), la priorité donnée à la production bouchère cameline plutôt que laitière en Tunisie (T. Khorchani, Tunisie), et la faible quantité de lait intégrant des filières marchandes au Soudan au profit de l'autoconsommation (S.A. Bakheit, Soudan).

Qualité et technologie de transformation

Les avancées significatives dans la connaissance de la technologie de transformation fromagère du lait de chamelle faisant appel à l'utilisation de l'enzyme chymosine ont été mentionnées par Z. Farah (Suisse). Ces données ont été complétées par l’exposé de J.P. Ramet (France) concernant l’intérêt de la méthode de réactivation de l’enzyme lactoperoxydase (LPO) pour conserver le lait de chamelle et des laits de mélange. Plusieurs exemples concrets de valorisation du lait de chamelle et des produits dérivés ont été présentés, notamment en s'appuyant sur l'exemple du tchoukou de chamelle au Niger (G.Vias, Niger) et de l’expérience dans les pays d'Asie Centrale (G. Konuspayeva, Kazakhstan) d'où un transfert de technologie peut être envisagé. Les contraintes de qualité sur la base des enquêtes réalisées en Mauritanie (I. Tourette, France) et au Kenya (M. Younan, Allemagne) ont montré les interactions entre hygiène de la traite, facteur principal de prévention des mammites subcliniques (Y. Kane, Mauritanie), modalités de transport et qualité finale du produit, insistant sur le respect des règles d'hygiène tout au long de la filière.

Filière lait et organisation des producteurs

Laiterie Azla Saveur
Enseigne de la laiterie d'Agadez,
Niger (2003)
(Photo G. Konuspayeva)

Le développement de systèmes laitiers camélins périurbains s'appuie sur les modèles contrastés par exemple au Maroc où l'Etat a joué un rôle moteur, en Mauritanie lié à l'initiative privée de la laiterie Tiviski et à Djibouti où se développe un réseau informel de producteurs familiaux (B. Faye, France). Les expériences les plus abouties en la matière ont été exposées premièrement par le directeur de la laiterie Tiviski à Nouakchott, expérience apparaissant comme une " success story " mais confrontée aux barrières sanitaires de l'Union Européenne (A.O.Mohammed, Mauritanie). Par la suite, le directeur de la laiterie " Azla Saveur " à Agadez, qui tente d’organiser une collecte de lait de chamelle en milieu nomade pour proposer du lait pasteurisé à la population urbaine (H. Assadek, Niger) a présenté son expérience. L'organisation de ces filières doit faire face à des problèmes sanitaires comme la diarrhée du chamelon (M. Bengoumi, Maroc) ou des zoonoses, telles que la brucellose et la fièvre Q (B. Bonfoh, Mali), ce qui induit des questions d'accès aux médicaments vétérinaires.

Les séances de démonstration de fabrication fromagère

Les séances de démonstration de fabrication fromagère ont été mises en œuvre au cours de l'atelier et des dégustations comparatives ont pu être menées aussi bien des produits fabriqués au cours de l'atelier (tchoukou de lait de chamelle et de lait de mélange) que des échantillons de lait pasteurisé et de produits transformés de Mauritanie (lait Tiviski, fromage " caravane ") et du Kazakhstan (Kurt). Les démonstrations ont porté aussi bien sur l'intérêt de l'utilisation de la méthode de réactivation du système lactoperoxydase pour la conservation du lait de chamelle que sur l'optimisation de la transformation fromagère permise par le Camifloc N.D. pour un produit lait de chamelle dont le rendement fromager reste très faible comparé au lait de vache.

Groupes de travail et perspectives

A l'issue de ces journées trois groupes de travail ont été constitués afin d'élaborer un ensemble de recommandations concrétes. Ces groupes ont consacré leurs réflexions sur les thèmes :

  • Produits et techniques de transformation
  • Encadrement technique de la filière
  • Commercialisation et valorisation

La synthèse des travaux de ces 3 groupes de travail a conduit à une liste de recommandations suivantes :

Considérant

  1. Le poids socio-économique représenté par la filière cameline, notamment de sa composante informelle.
  2. Des avancées technologiques les plus récentes.
  3. La place incontournable de la recherche au service du développement.
  4. Les caractéristiques intrinsèques du lait de chamelle.
  5. Les systèmes de production en place et les évolutions envisageables notamment à la faveur du développement des prestations privées.
  6. Les responsabilités qui nous incombent dans le domaine de la santé publique.

Recommandations

  1. Création d'un comité d'experts "Lait de chamelle" au sein de la "Fédération Internationale des laitiers" pour définir un standard "Lait de chamelle" et produits désirés susceptible d'être reconnu par le codex alimentarius.
  2. Proposition de mise en place de réglementations nationales harmonisées afin d'intégrer les standards du lait de chamelle et de ses produits dérivés.
  3. Contribution à la mise en place des dispositifs d'accréditation des laboratoires de contrôle de qualité des produits alimentaires d'origine animale.
  4. Promotion de guides de bonnes pratiques de production, de transformation et de conservation du lait de chamelle.
  5. Développement de modules de formation pour les cadres, les techniciens, les producteurs et les acteurs de la filière cameline.
  6. Incitation aux transferts de technologie et des modèles de développement de la filière cameline dans les différents pays du Sud.
  7. Appui aux dispositifs de diffusion de petits équipements et de produits de transformation notamment pour la valorisation du lait de brousse.
  8. Adaptation de la méthode de réactivation du système LPO pour la conservation du lait cru de chamelle.
  9. Appui aux réseaux de recherches camelines pour contribuer à une meilleure connaissance du lait de chamelle et aux conditions de production (alimentation, santé), de transformation et de commercialisation.
  10. Promotion de structures interprofessionnelles assurant la sécurisation sociale, la durabilité environnementale et la pérennité économique des entreprises de production cameline.
  11. Proposition de soutien à des politiques nationales et internationales incitatives, pour le développement des productions camelines locales.
  12. Promotion du lait de chamelle et des produits dérivés sur la base de ses propriétés spécifiquement nutritionnelles et médicinales auprès des consommateurs et des professionnels au niveau local, national et international pour les segments de marché existants et potentiels.

Les actes de l'atelier seront publiés par la FAO début 2005.

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