Connaissances ethnovétérinaires des pathologies camélines dominantes chez les Touaregs de la région d’Agadez (Niger)

Page précédente Page 2/3 Page suivante

3. Troubles respiratoires

Toza : Ce terme désigne la toux. Cette toux très contagieuse est le plus souvent décrite comme humide, accompagnée de jetage bilatéral. L'animal ne mange plus et maigrit, présentant un aspect fiévreux pour une durée apparemment constante de 7 jours au bout de laquelle il guérit mais reste " fatigué " pour encore trois mois ou meurt. Outre ce syndrome, un autre type de toux est rapporté, moins important que le premier. Il s'agit d'une toux sèche d'évolution plus longue et moins contagieuse.
Elichlach : Ce terme signifie jetage. Il peut désigner une maladie mortelle caractérisée par un jetage uni- ou bilatéral d'abord muco-purulent et contenant finalement du sang et des tissus nécrosés. Elle est accompagnée d'anorexie et de difficultés respiratoires sévères, l'animal tenant le cou en extension. L'amaigrissement jusqu'à émaciation qui s'ensuit conduit à la mort de l'animal. Quelquefois, la maladie est rapportée comme ayant des conséquences moins dramatiques, l'éleveur décrivant juste un jetage qui n'en finit pas. Un possible aspect semi-solide et crayeux du jetage est également rapporté.
Anafad : Il s'agit d'un ou de plusieurs gonflements durs, chauds et douloureux présents sur le dessus de la tête. Du jetage y est classiquement associé. Dans quelques cas, les éleveurs rapportent également une exophtalmie uni- ou bilatérale se développant progressivement jusqu'à devenir extrêmement sévère et pouvant résulter en une expulsion des yeux hors de leurs orbites. Les symptômes généraux observés dans ces cas sont décrits comme très violents. L'animal est fiévreux, anorexique, ne boit plus, ne rumine plus, baraque et " se laisse mourir ". Un éleveur présentait le fait comme une conséquence de anafad lorsqu'aucun écoulement nasal ne permettait la guérison de celui-ci. D'autres assuraient que l'exophtalmie pouvait avoir lieu en l'absence de gonflements sur la tête mais avec présence de jetage.
Tamne : C'est le nom donné par les éleveurs à l'insecte qu'ils croient responsable de la ponte de larves dans les narines des dromadaires. Cet insecte est en réalité un hyménoptère rayé jaune et vert présentant une tendance à s'approcher des yeux humains et animaux. Les éleveurs ne reconnaissaient pas les spécimens de Cephalopina titillator qui leur étaient présentés (spécimens obtenus par culture de larves obtenues à l’abattoir).

4. Troubles digestifs

Efay : Il s'agit de la diarrhée du jeune chamelon (moins d'un an), aussi désignée par le mot touffite. Elle est systématiquement citée comme première cause de mortalité du chamelon, quelquefois en second après igardan. Eu égard à son importance, les traitements traditionnels existant sont nombreux mais jugés peu efficaces par les éleveurs eux-mêmes.
Tadanan : L'animal se roule à terre, se débat, la douleur est manifeste. Ces coliques peuvent cesser assez vite dans les cas bénins ou se solder par la mort de l’animal. Un autre nom en est anannarha.

5. Troubles locomoteurs et nerveux

Lajouad : Il s'agit d'une paraparésie ou paraplégie postérieure brutale, rencontrée chez les individus âgés en embonpoint, potentiellement mortelle. Ce nom désigne également une paraplégie brutale rapportée chez les chevreaux. Cette dernière affection n'est pas mortelle, l'animal retrouve l'usage de ses membres mais reste faible pour le restant de sa vie. Les éleveurs rapportent une affection semblable chez le chamelon entre 6 mois et 1 an dont la croissance était jusque là rapide. Taras : Taras est une parésie ou paralysie n'affectant le plus souvent qu'un seul membre. L'amaigrissement du membre s'étale selon certains sur environ un ou deux mois et évolue vers la " mort de la jambe ". La classe d'animaux atteints est celle des individus âgés en bon embonpoint. Les éleveurs incriminent de manière unanime le comportement alimentaire de certains dromadaires, notamment les plus grands, qui s'étirent exagérément afin de brouter les feuilles les plus hautes des arbres et portent ainsi tout leur poids sur les postérieurs (photo 1).

Affection dénommée 'taras'
Photo 6. : Cette position prise par les animaux tentant d'atteindre les branches les
plus hautes serait, selon les éleveurs, à l'origine de l'affection dénommée "taras",
consistant en une parésie postérieure unilatérale avec fonte musculaire lente de la jambe.

Irziman : Déformation lente du cou en " S " ou simple raideur sans déformation. La douleur associée est intense et l'animal ne pouvant plus baisser le cou est obligé de baraquer pour brouter. La mort est l'issue habituelle en l'absence de traitement. Les éleveurs incriminent le comportement alimentaire de certains dromadaires qui ont plus tendance que les autres à aller chercher les feuilles sur les branches les plus hautes des arbres, étendant alors exagérément leur cou.
Folie : L'animal peut tourner en rond et tomber ou encore courir droit devant lui soudainement. Ces symptômes sont attribués par certains éleveurs à l'ingestion de plantes toxiques ou à izni par d'autres.
Dendimi : Affection typique de la soudure, l'animal atteint bute souvent contre les arbres le soir.

6. Lésions localisées

Akourzoukoul (tafasas et zlîtey) : Akourzoukoul signifie gonflement. Les gonflements visés ici sont situés d'une part sous l'oreille, en arrière de la mâchoire et sont alors nommés tafasas et d'autre part à la base du cou, en avant de l'épaule et sont alors nommés zlîtey. Les éleveurs assimilent ces deux pathologies comme un même phénomène pouvant se dérouler en deux endroits différents du corps. Le gonflement est dur, chaud, très douloureux et contient du pus. Il est accompagné d'un léger état fiévreux et ne présente ni contagion, ni mortalité.
Amanos : Cette maladie touche les dromadaires âgés ou affaiblis et est caractérisée par deux lésions. La première, située sous la langue, peut être décrite comme une masse longiligne pouvant aller jusqu'environ 5 cm de long qui se durcit progressivement pour devenir, selon les descriptions, semblable à de l'os. Du fait de la douleur, l'animal atteint refuse de manger, refusant d'abord le sel donné en complémentation puis les autres aliments. L'animal meurt par inanition. La deuxième lésion, au niveau du cal sternal, commence par une fissure suintante puis dégénère en plaie purulente à l'odeur nauséabonde (Photos 7, 8 et 9).

Amanos, masse sublinguale fibreuse
Photo 7. Amanos, masse sublinguale fibreuse. Selon les éleveurs, cette lésion, par sa calcification, cause des douleurs très importantes entraînant in fine la mort de l'animal par inanition.
Amanos, coupe histopathologique d'une masse sub-linguale
Photo 8. Amanos, coupe histopathologique d'une masse sub-linguale. L'absence de cellules inflammatoires ou de cellules tumorales caractéristiques est à relever. Seule une hyperplasie de la muqueuse et une fibrose peuvent être constatées.
Amanos, lésion au niveau du cal sternal
Figure 9 : Amanos, lésion au niveau du cal sternal consistant en une fissure suintante. Selon les éleveurs, ces lésions évoluent vers la formation d'abcès. La lésion du cal sternal pourrait précéder ou suivre le développement de la lésion linguale.

Goitre : Une masse congénitale de consistance molle située en haut du cou, une dizaine de centimètres sous les mandibules, a été trouvée chez des chamelons de deux campements (Ekirkiwi et Oureil). A la ponction, un liquide clair était récolté. L'autopsie d'un chamelon mort peu après la naissance affublé de cette masse a permis de conclure que ce gonflement était dû à la glande thyroïde, et que la mort était du fait de la compression de la trachée, un collapsus total de celle-ci étant observé. La masse continuait à grandir chez l'un des chamelons (photo 10).

Goitre congénital observé sur les chamelons d'Ekirkiwi
Photo 10. Goitre congénital observé sur les chamelons d'Ekirkiwi.
Les animaux morts à la naissance présentaient à l'autopsie un collapsus trachéal.

Tadenak (photo 11): Il s'agit d'une maladie affectant les yeux. Les conjonctives sont gonflées et rouges et l'exophtalmie associée peut être très forte. La pupille se trouble, devient blanche ou bleue. L'animal est alors aveugle. La présence d'un corps ressemblant à un ongle est rapportée à l'écartement des paupières par les éleveurs. Le retrait à la lame de rasoir de ce corps constitue un des traitements possibles de cette affection. Les pasteurs expliquent qu'il y a souvent déclaration de plusieurs cas en même temps mais qu'il n'y pas de réelle contagion.

Tadenak
Photo 11: Tadenak. Sur cette photo, le gonflement et
la congestion de la conjonctive sont bien visibles

Tafadi : Tafadi désigne les plaies de selle. Les possibles aggravations de la plaie par les myiases, les infections bactériennes et les corbeaux peuvent conduire à la mort de l'animal. La plaie infestée par les asticots émet une odeur très forte.
Tarkâ : " Tarkâ abîme le lait et tue le pis ". La mammite (gangréneuse) ici décrite par les éleveurs aboutit au dessèchement noir d'un quartier entier. Quelquefois, une abcédation du ganglion inguinal l'accompagne, ainsi que des décharges purulentes au niveau du quartier touché.
Tasrawin : Il s'agit du développement excessif d'une papille jugale. Longue de 4 cm environ, elle empêche l'animal de mastiquer correctement du fait de la douleur. Lacérée au cours de la mastication, elle saigne abondamment. Le traitement consiste en son excision. Les récidives sont possibles.
Awras : Gonflement dur et chaud au niveau du pied, des traumatismes par des épines d'Acacia spp ou de Prosopis africana en sont à l'origine. L'atteinte est extrêmement douloureuse et n'a aucune tendance à la guérison. S'ensuit un amaigrissement pouvant être très sévère. Contrairement aux cas dénommés egges, où il y a formation d'abcès finissant par se rompre, les lésions d'awras sont constituées de chair.
Ellarh : Ellarh consiste en une usure extrême de la sole par des sols trop rocailleux et abrasifs.

7. Intoxications

Asolof : Asolof est une chenille urticante vivant dans les acacias (A. raddiana) durant la saison des pluies. Son ingestion est responsable d'avortements chez la chamelle. L'expulsion du fœtus est souvent suivie d'un prolapsus utérin. Les éleveurs incriminent une réaction " d'irritation " de l'utérus semblable à celle ressentie lors du contact de la peau avec les poils urticants qui provoque une expulsion prématurée du fœtus et le prolapsus observé.
Intoxication au sel : Les symptômes décrits sont un décubitus sternal de l'animal, un arrêt de la rumination, une lèvre inférieure pendante, de la sialorrhée et une diarrhée verte. Aucun signe apparenté à des convulsions n'a été signalé. Ce type d'intoxication a lieu lorsqu'un animal a un accès non-surveillé au sel prévu pour la complémentation.

Page précédente Page 2/3 Page suivante


Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
Informations légales © Copyright Cirad 2001 - camel@cirad.fr